esprit critique, démarche scientifique

Doute et esprit critique : faut-il les opposer ?

Le doute, est-ce une bonne chose de l’exercer ou faut-il s’en prémunir ?

 

Le doute pour lutter contre les fake news et autres infox ?

doute, esprit critique, démarche scientifique

© Pixabay.

C’est un fait, à l’ère des réseaux sociaux, nous sommes dans une époque d’infobésité et de « fast news ». Pratiquement toutes sortes d’informations, de découvertes scientifiques et autres connaissances sont très facilement accessibles. Surtout, elles sont très facilement partageables et diffusables au plus grand nombre.

Avec tant d’informations, il n’est donc pas toujours facile de faire la part des choses. Les réseaux sociaux représentent les nouveaux médias de masse. Leurs utilisateurs vont émettre et relayer différentes informations. Ces dernières seront lue et rediffusées, parfois sans aucun contrôle, dans une totale crédulité. Et ce d’autant plus si les nouvelles sont « sensationnalistes », avec des titres très accrocheurs.

C’est dans ce contexte qu’entrent en jeu l’esprit critique et le doute. À quoi correspondent ces deux notions ? Le doute peut-il influencer l’esprit critique ? Y a-t-il une « bonne manière » de douter ? Si oui, comment peut-on envisager apprendre les bonnes méthodes ?

Doutes et esprit critique font-ils bon ménage ?

 

Doute, de quoi parle-t-on ?

Doute commun, doute philosophique

On peut donner plusieurs définitions au mot « doute ». Le Larousse le définit comme un « manque de certitude, soupçon, méfiance quant à la sincérité de quelqu’un, la véracité d’un fait, la réalisation de quelque chose ». De manière plus philosophique, selon l’école cartésienne, le doute est une « attitude du sujet pensant qui considère tout jugement sur tout objet de connaissance comme douteux afin de tendre vers la plus grande certitude possible, la certitude première étant celle du sujet pensant lui-même ».

Intéressons-nous au doute « philosophique ». On pourrait le voir comme une sorte de pause. Le temps de la réflexion qui est indispensable au traitement des informations. C’est ce temps qu’il faut apprendre à maîtriser. C’est lui qui peut conduire au chemin de l’esprit critique. Il sera alors plus efficace d’évaluer les enjeux et de prendre du recul sur les questions et les affirmations données. Ce temps de la réflexion pourrait être ainsi une bonne alternative au partage « compulsif » qu’on peut avoir avec les réseaux sociaux.

 

Un élément essentiel de la science

Le doute est un élément essentiel de la science. D’ailleurs il est largement admis que les scientifiques ne sont pas toujours d’accord sur les résultats et les découvertes. Ce sont ces remises en question qui font avancer les sciences et les savoirs. La recherche implique donc finalement de remettre toujours en question les anciennes découvertes, voire même des vérités que l’on pensait immuables.

Le doute est donc bénéfique. Jusqu’à un certain point ! Certes, il faut douter pour avancer, découvrir et apprendre de nouvelles choses. Pour autant, il ne faut pas douter de tout, tout le temps. Le doute ne doit donc pas devenir une fin en soi, sans véritables recherches ou envie d’amélioration et de curiosité. Douter pour douter est une démarche vaine, voire dangereuse. Elle peut conduire à sombrer dans le complotisme.

Certes le doute est essentiel. Certes les scientifiques le pratique, mais avec méthode ! Le doute pour être efficace et sain, doit s’inscrire dans une démarche scientifique. Pour cela, il faut donc être capable de reconnaître les biais, de déconstruire des mécanismes de pensée et surtout d’analyser d’où vient l’information. C’est là qu’intervient, entre autres, l’esprit critique.

 

L’esprit critique pour armer son cerveau ?

Une définition pour commencer

Là encore, cette notion s’accompagne de définitions très variées. Choisissons celle de Christian Godin dans le Dictionnaire de philosophie. L’auteur définit alors l’esprit critique comme une « disposition et attitude intellectuelles consistant à n’admettre rien de véritable ou de réel qui n’ait été au préalable soumis à l’épreuve de la démonstration ou de la preuve ». Je suis d’accord avec vous, cette définition est proche de celle du doute philosophique. C’est bien parce que doute et esprit critique restent indissociables.
D’un point de vue plus « pratique », l’esprit critique est une sorte de capacité permettant d’évaluer correctement une information. Pour cela, les personnes vont être capables de trouver et d’analyser les preuves scientifiques et raisonnées qui leur seront données. Par rapport au doute, l’esprit critique va permettre d’examiner en quoi certaines informations résistent ou non aux doutes. C’est un raisonnement éclairé et étayé pour valider ou non son doute. L’esprit critique va justifier le doute et le rendre le plus sain et utile possible.
Pour autant, l’esprit critique n’est pas inné. C’est une méthode, un ensemble d’outils que l’on doit acquérir, travailler et aiguiser. C’est une véritable formation, une véritable démarche qu’il est important d’obtenir dès le plus jeune âge.
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Déconstruire l’information et remettre en question

Vous l’aurez compris, l’esprit critique pour un doute constructif nécessite une méthode scientifique bien rodée. Le but est d’apprendre, dès le plus jeune âge, à se questionner. Dans l’idéal, il faudrait arriver à faire comprendre trois choses :
  1. Comment savons-nous ce que nous savons ?
  2. Comment ces connaissances sont-elles validées ?
  3. À quoi cette connaissance sert-elle ?

Il a plusieurs manières d’arriver à ces remises en question. Tout d’abord, il faut évaluer les arguments qui sont avancés pour étayer l’information. À condition qu’il y en ait… Ces arguments sont-ils logiques et cohérents ? Fait-on appel à des sophismes ? À l’émotionnel ou au rationnel ? Beaucoup de fake news vont d’abord faire appel à l’émotionnel. C’est en effet parfois plus facile de succomber aux émotions, en particulier à la peur. Cependant, si l’on fait preuve de rationnel, on s’aperçoit vite que ces arguments ne tiennent pas.

Ensuite, après les arguments, restent les preuves. Déjà, y en a-t-il ? Comment ont-elles été obtenues ? Sont-elles nombreuses et non contradictoires ? Et attention à nos propres biais qui nous poussent à accepter des preuves, parfois faiblardes, mais qui confortent nos propres préjugés et idées reçues.

Enfin, il faut évaluer les sources. Certes, arguments et preuves peuvent sembler très solides, pour autant il est très important de savoir d’où proviennent ces informations. Il est donc important de vérifier l’objectivité et l’expertise de la ressource. Le plus important, il faut recouper les sources afin de vérifier qu’il ne s’agit pas d’une information isolée, qui serait contredite ailleurs.

Un zeste de zététique

La zététique est l’une des méthodes pour se former à l’esprit critique. Une forme enseignée et bien codée. Le but est de prendre du recul lorsqu’on découvre une information, surtout si elle est sensationnelle. Il faut alors suspendre son jugement, pour éviter de se « faire avoir » par ses propres biais. Une fois ce recul pris, on peut revenir sur l’information et commencer à la vérifier. Pour cela, on utilise la méthode vue précédemment, en particulier la vérification des sources.
Historiquement, lors de sa création dans les années 1980, la zétérique s’intéressait surtout au paranormal. Ce dernier implique effectivement beaucoup d’affectifs et de croyances, donc beaucoup d’irrationnels. Ceci implique donc aussi beaucoup de biais cognitifs. Aujourd’hui, la zététique s’intéresse plus aux réseaux sociaux et leur utilisation. Elle va notamment faire un focus sur l’influence qu’ils peuvent avoir sur ceux qui les utilisent.

Conclusion (Ce qu’il faut retenir)

Il n’est finalement pas juste d’opposer doute et esprit critique. En réalité, l’un ne va pas sans l’autre. Le doute est essentiel pour mener à l’esprit critique et l’esprit critique est essentiel pour permettre à tout le monde de douter sainement, de rester curieux et ouvert d’esprit.
Cependant, aiguiser son esprit critique pour exprimer des doutes correctement n’est pas inné. Au contraire, cela nécessite une véritable méthode et du travail. C’est là que la démarche scientifique entre en jeu. C’est important de l’apprendre aux enfants dès la maternelle, mais cela nécessite également que les professeurs soient formés. Il y a donc un sacré travail à faire…
Apprendre les méthodes de « fact checking » est également un bon levier. Cela revient à apprendre à décortiquer, déconstruire et vérifier les informations qui apparaissent dans les médias et sur les réseaux sociaux. Enfin, enseigner l’histoire des sciences est aussi une bonne méthode. De la même manière que la méthode et la démarche scientifique, elle montre comment fonctionnent les sciences. Ces dernières sont un enchainement d’hypothèses, test et erreurs… Les sciences sont une enquête qu’il faut résoudre pas à pas, en gardant l’esprit ouvert !
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Et pour vous ? Y a-t-il une différence entre doute et esprit critique ?

 

Sources :

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