Quand les maths résolvent des enquêtes
« Quand est-ce que les maths vont me servir ? ». Qui n’a jamais entendu cette question ? Bien que les mathématiques soient très présentes dans le quotidien, nous ne nous rendons pas toujours compte de leur importance. Cela peut donc être parfois compliqué de répondre à cette question…
Heureusement, il y a la trilogie des Détectives ! Ces romans jeunesse apportent une réponse concrète et montre que les maths servent tout le temps et même dans des domaines parfois insolites… Eh oui ! Les mathématiques peuvent résoudre des enquêtes !
La trilogie a été très bien reçue aux États-Unis, elle a notamment été lauréate des catégories Children’s Detective Books et Intermediate Readers. Aujourd’hui, grâce à Lucca Éditions, les deux premiers tomes sont maintenant disponibles en français. Je vous avais déjà présenté le premier tome, à retrouver ici et voici maintenant la chronique du deuxième.
En quoi les Détectives mettent-ils les maths à l’honneur ?
Un roman policier jeunesse rafraichissant
Je suis très contente de retrouver les qualités qui m’avaient beaucoup plues dans le premier tome.
Le livre est toujours très humoristique et je suis ravie de renouer avec les livres d’enquête de mon enfance, tels que le Club des Cinq. Je trouve que c’est une bonne chose de faire perdurer ce type d’histoire, en les mettant au goût du jour. Je reste quand même toujours sur ma faim, car il me manque le fameux compagnon à 4 pattes, à l’instar de Scooby-Doo, Dago du Club des Cinq ou Kafi des Six Compagnons…
Il y a beaucoup de fraîcheur dans l’histoire et les caractères des personnages. C’est une véritable retombée en enfance et c’est donc très agréable. Le livre transmet de belles valeurs, telles que l’amitié, le courage, le dépassement de soi et de ses peurs. Tout en restant drôle et léger, avec la pointe de suspens qui donne envie de connaître la fin.
J’ai beaucoup apprécié l’ambiance du début de l’histoire, avec ce décor spécial Halloween. Il est riche et nous plonge encore plus dans l’énigme et l’enquête.
Un roman de vulgarisation scientifique sur les maths bien ficelé
Appréhender la démarche scientifique par le jeu et l’enquête
Dans ce deuxième tome des Détectives, nous retrouvons bien les marqueurs, déjà mis en place dans le premier tome, avec une place très importante accordée à l’enquête. Plus particulièrement, la démarche mise en place pour résoudre ces enquêtes est bien présentée et illustrée.
Nos apprentis enquêteurs commencent ainsi par rechercher un fil conducteur, une logique entre les crimes. Ils proposent ensuite des hypothèses qu’ils testent en « grandeur nature » (vive les plans et les planques) et attestées quand c’est possible par des preuves. Elles les conduisent ensuite à des conclusions et des interprétations. Ces dernières vont permettre d’affirmer ou non les hypothèses et donc de repartir sur un nouveau cycle s’il le faut.
Tout ce mécanisme d’enquête illustre de manière concrète la démarche scientifique. C’est donc très intéressant pour faire comprendre aux scolaires comment il faut mener une étude scientifique. Cela présente également les savoir-être à développer : faire preuve d’esprit d’équipe pour discuter et mettre en commun les idées, se poser les bonnes questions, prendre du recul et remettre en perspective ses connaissances et ses croyances… Il y a tout un travail pédagogique à mener.
Le roman fait-il également référence aux jeux ? Le jeu est en effet un très bon dispositif pour transmettre les savoirs, je vous en ai déjà parlé. Ici, je trouve ce rappel avec le nom de la ville : Ravensburg (peut-être qu’il n’y a que moi qui fait ce lien). Ravensburger est une marque de jeux allemande reconnue. Le nom de cette ville y ferait-il référence ? Le jeu est présent avec les énigmes, l’enquête (escape game) et il est pertinent pour appréhender concrètement la démarche scientifique.
Utiliser les maths pour résoudre les enquêtes
Ce deuxième tome est toujours très original (c’est l’un des intérêts de Lucca Éditions pour ce livre d’ailleurs). Les protagonistes s’aident des maths pour résoudre les crimes commis dans leur ville. Plusieurs notions sont abordées : géométrie, algorithmie, droite de corrélation… L’histoire fait appel à la logique des mathématiques pour amener de l’ordre dans le désordre et s’assurer que tous les éléments trouvent leur place.
Les auteurs alertent cependant les lecteurs sur l’interprétation des chiffres. Ces derniers ne parlent pas d’eux-mêmes, il faut toujours les comparer et les rapporter à un contexte ou à une référence. Et surtout, il faut faire attention à la façon dont on les interprète. Les mathématiques sont d’abord un outil. La manière dont on les utilise peut conditionner les résultats obtenus, comme lancer les Détectives sur une fausse piste par exemple… Donc, attention aux biais !
La vulgarisation est toujours bien menée et les connaissances transmises arrivent à point nommé pour faire avancer l’histoire et l’enquête. Les enfants jouent le rôle de médiateurs en posant les questions nécessaires pour faire passer les explications. L’enquête aide à ancrer les savoirs en apportant un exemple concret et une illustration. Quelques graphiques aident aussi la compréhension. Les connaissances mathématiques transmises sont assez pointues, avec parfois même les formules et équations. Ceci pourrait faire un peu peur aux jeunes lecteurs, mais il y a toujours un personnage qui va les transformer en une histoire imagée avec des exemples du quotidien (si possible en lien avec la nourriture). Le roman met vraiment l’humour en avant et c’est une très bonne astuce pour faire passer les messages (la gourmandise aussi…).
À la fin du livre, vous trouverez également une annexe mathématiques écrite par une enseignante, avec des anecdotes scientifiques et des petits exercices à proposer aux enfants (scolaires ou à la maison).
Les sciences sociales trouvent aussi leur place
Par rapport au premier tome, je trouve que ce deuxième volet pose aussi des questions d’ordre sociale. Tout d’abord avec cette réalité, très poussée dans les établissements scolaires américains, des communautés (sportifs, joueurs d’échec, scientifiques, matheux…). Est-ce un cliché ? Est-ce la réalité ? Pourquoi y a-t-il tant de frontières entre les enfants, qui s’accompagnent de beaucoup d’agressivité ? Vous constaterez que la conclusion est d’ailleurs vraiment très sociale et d’actualité, avec tous ces problèmes de harcèlement scolaire.
Ces questionnements sur la société et les communautés me paraît très pertinent. Pour autant, je trouve un peu dommage d’accentuer le côté cliché du « geek » pour les amoureux des maths. J’ai toujours peur que cela empêche certains enfants de s’identifier aux héros et que donc ce soit contre-productif par rapport au message principal ; à savoir, rendre les maths accessibles à tous. Ce cliché est également un peu exacerbé par la volonté d’opposer les maths et les lettres.
Conclusion (Ce qu’il faut retenir)
Les Détectives, tome 2 est donc un livre à la lecture agréable, originale et rafraichissante. Pour les adultes, il permet de renouer avec son enfance et les anciennes histoires d’enquête à la Club des Cinq. Pour les enfants d’aujourd’hui, c’est une découverte intéressante du roman policier.
Le plus, c’est l’aspect de transmission de connaissances. Tout comme dans le premier tome, les mathématiques sont bien mises en valeur et démontrent bien qu’elles sont intéressantes dans le quotidien et dans différents métiers. La vulgarisation est très bien menée et s’appuie sur les astuces de l’histoire imagée et de l’humour.
Je pense vraiment que ces livres sont très intéressants pour le collège. Ils permettent de faire des liens entre différentes matières et sont donc pertinents pour la construction d’un projet pédagogique.