Harry Potter ou un peu de sciences dans la magie
Harry Potter, un recueil de connaissances à transmettre ?
© Flickr.
La semaine dernière, c’était la Fête de la Science en métropole. Pour l’occasion, Science Animation a proposé une animation très intéressante autour de la saga Harry Potter. Ils ont invité des scientifiques à discuter de différents sujets de sciences que l’on peut rattacher à Harry Potter :
- L’histoire et les préjugés de la magie ;
- L’éthologie d’animaux extraordinaires ;
- L’alchimie.
Le replay de cette Soirée Culte est disponible si vous voulez la (re)voir (et tester, avec un quiz, vos connaissances sur Harry Potter).
Cette animation m’a beaucoup plu et m’a inspirée aussi. Je vous propose donc d’étudier en quoi la saga Harry Potter, et ses produits dérivés, peut être considérée comme un dispositif de médiation scientifique.
Quels savoirs scientifiques peut-on rattacher à Harry Potter ?
Harry Potter, un recueil scientifique ?
Nous en avons déjà beaucoup discuté, les romans (et autres BDs) sont des outils très intéressants pour transmettre des connaissances au plus grand nombre. Ils sont notamment très efficaces avec les enfants et adolescents.
Harry Potter, aussi étrange que cela puisse paraître, ne fait pas exception. Grâce à cette saga, de nombreux lecteurs ont ainsi pu se familiariser avec la botanique, la zoologie ou encore l’ésotérisme. Regardons cela d’un peu plus près… Bien sûr, je ne vais pas du tout faire une étude exhaustive de toutes les sciences que l’on pourrait rattacher à Harry Potter, cela prendrait énormément d’articles !
Des sciences très diverses : de la zoologie…
© L’Étudiant Trendy.
Tout d’abord, l’univers d’Harry Potter est un formidable bestiaire, en particulier avec la saga des Animaux Fantastiques. En plus d’animaux de légende bien connus de la plupart des publics (licornes, dragons, loups-garous, hippogriffe), J.K. Rowling a également ajouté son imaginaire et a créé plusieurs espèces. L’auteure semble s’être inspirée de très anciens ouvrages pour imaginer son zoo merveilleux. Elle aurait notamment découvert Konrad Gessner, l’un des fondateurs de la zoologie qui a signé l’un des premiers traités de la discipline. Or, entre les chevaux, papillons et serpents bien de chez nous, on trouve aussi des basilics, des licornes, et même des dragons !
Je n’ai pas l’intention de faire une liste exhaustive du bestiaire fantastique, mais je citerai, par exemple, les sombrals, les adorables niffleurs ou encore l’éruptif. Il y a eu une vraie volonté de cohérence et de recherches lors de la création de ces espèces.
Les cours de Soins aux Créatures Magiques, dispensés principalement par Hagrid lorsque Harry est à Poudlard, nous l’illustre bien. Nous (re)découvrons ainsi certaines « connaissances » (légendes) qui sont souvent citées dans les contes. Par exemple, le fait que les licornes s’entendent mieux avec les jeunes filles ou que les loups-garous se transforment les nuits de pleine lune. Et, nous apprenons aussi les mœurs, écosystèmes et comportements du bestiaire inventé de J.K.Rowling. Si vous avez bien lu Harry Potter, vous saurez ainsi ce que mange les véracrasses, que les botrucs vivent en symbiose avec les arbres dont l’écorce est utilisée pour fabriquer les baquettes magiques… L’auteure ne laisse rien au hasard et les créatures magiques trouvent totalement leur place dans le Monde des Sorcier.e.s.
En passant par la botanique ou la chimie…
Les plantes, plus ou moins incroyables, que Harry et ses amis découvrent au cours de leur scolarité trouvent aussi leur inspiration dans l’Histoire. Ainsi, Konrad Gessner, dans son ouvrage Hortus Sanitatis de 1491, proposait déjà des croquis de mandragore à visage humain. Souvenez-vous, il s’agit de la plante que l’on découvre dans le tome 2 et dont le cri des adultes peut tuer un humain.
Tout comme pour la zoologie, les connaissances botaniques transmises par la saga (via la professeure Chourave) sont réfléchies et précises. Nous obtenons des informations sur le cycle de vie de certaines plantes, notamment la fameuse mandragore, qui passent par trois stades : enfance (racine à replanter), adolescence et adulte. Et, chacun de ces stades possèdent des caractéristiques particulières. Le stade adolescent est parfait pour ramener à la vie des personnes pétrifiées (pratique !).
© Science, médecine et magie.
Finissons cet aperçu des « sciences dures » avec… la chimie ! Par chimie, j’entends les potions. De mon point de vue, il y a beaucoup de points communs. Il faut suivre un protocole très précis et rigoureux, sinon votre potion qui devrait être liquide, risque de prendre la consistance du ciment, voire carrément exploser ! Et là, vous devrez subir les foudres de Rogue… Tout comme en chimie, il faut peser, échantillonner, diluer, mélanger en respectant les proportions… Bref, les cours de potion sont sûrement ceux qui demandent le plus de rigueur et qui se rapprochent peut-être le plus de nos cours scientifiques de Moldus. Le tome 6, où Harry découvre le manuel du Prince de Sang-Mêlé, nous l’illustre bien. Le jeune Rogue a laissé ses instructions, issues de ses hypothèses et expériences : le vrai cahier de laboratoire d’un chimiste en herbe.
J’aimerai faire aussi un petit focus sur un ingrédient spécifique, utilisé en cours de potion : le bézoard. Cet ingrédient, que l’on trouve dans les estomacs des chèvres, permet de guérir de n’importe quel empoisonnement. Dans le monde Moldu, le bézoard existe bel et bien. Il s’agit bien d’un corps étranger que l’on trouve dans l’estomac des animaux (humains compris) :
- Les phytobézoards sont un amas de morceaux végétaux ;
- Les trichobézoards sont eux constitués de cheveux ;
- La formation des pharmacobézoards apparaît suite à l’accumulation de restes de médicaments ;
- Enfin, les lactobézoards correspondent à un amas de lait, en particulier chez les nouveaux-nés.
Dans tous les cas, la formation de ces agrégats est favorisée par un ralentissement du transit intestinal. Historiquement, on leur a effectivement attribué des vertus curatives, utiles contre les empoisonnement. J.K. Rowling a encore bien fait ses recherches…
Pour en savoir plus sur les sciences « dures » que l’on peut rattacher à Harry Potter, je vous renvoie vers un ouvrage dédié : Harry Potter et la Science.
Et aussi beaucoup de sciences sociales…
Le domaine des sciences sociales n’est pas traité de manière directe dans la saga Harry Potter. Nos héros ne suivent effectivement pas de cours d’économie ou de géo-politique. Citons quand même Hermione, qui s’intéresse à l’Étude des Moldus, une matière que l’on peut peut-être rapprocher de la sociologie ?
Les questions SHS se diffusent tout au long des romans. Il y a tout d’abord la question de la magie : noire ou blanche ? En réalité, s’il fallait lui donner une couleur, elle serait plutôt grise. J.K. Rowling s’est en effet beaucoup inspirée d’un personnage historique, adepte de magie et de sciences occultes : Heinrich Cornelius Agrippa von Nettesheim (1486–1535). Cet homme était donc persuadé que la magie était simplement un outil. Tout comme pour un couteau, c’était l’utilisation qu’on en faisait qui la rendait « bonne » ou « mauvaise ». Cet aspect « d’outil » se retrouve bien dans Harry Potter. Preuve en est que Voldemort et Harry ont des baguettes jumelles…
La saga a des valeurs progressistes et humanistes. Ainsi, l’école Poudlard est laïc, mixte, multiculturel (enfants de Moldus, enfants de Sorciers) et multi-espèces (humains, loups-garous, géants). La tolérance occupe une place très importante dans l’œuvre. L’auteure a ainsi toujours considéré Dumbledore comme gay, aveuglément amoureux de Grindelwald. Toutes les espèces doivent avoir les mêmes droits. Le droit au respect, le droit à un travail décent, pour Hagrid et Lupin par exemple, le droit à un salaire et des vacances, avec l’exemple de Dobby. L’esclavage est nettement dénoncé, notamment à travers le cas des Elfes de Maison. La vocation d’Hermione et son engagement dans la S.A.L.E (Société d’Aide à la Libération des Elfes) fait écho aux valeurs de J.K. Rowling qui a travaillé pour Amnesty International.
Et des liens avec notre histoire !
Le fascisme et le totalitarisme sont fortement combattus, en particulier par l’Ordre du Phénix, Résistance des sorciers contre Voldemort et ses ambitions de dictature. Le lien avec le nazisme apparaît clairement dans les films, où les partisans sont en noirs et portent un brassard rouge sur le bras. Les « sangs-purs » (Aryens) doivent être considérés comme la race supérieure et dominante sur toutes les autres. Le nettoyage ethnique (des « Sangs-de-Bourbe » notamment) commence d’ailleurs à se mettre en place au début du 7, avec des rafles et des internements qui nous rappellent bien des années sombres de notre Histoire.
J.K Rowling décrit le processus de l’endoctrinement dans plusieurs tomes. C’est d’abord celui de Dudley, trésor de ses parents, qui vit dans un monde parfait où l’extraordinaire n’a aucunement sa place : définition même de l’intolérance. Ensuite, on découvre celui de Drago et Régulus Black, le frère de Sirius. Pour tous les deux, Voldemort et ses Mangemorts s’apparentent à de grands meneurs, aux idées révolutionnaires, l’image d’un idéal à suivre pour tous sorciers qui se respectent. Or, ils seront finalement rattrapés par la réalité (et l’horreur) des actes perpétrés par leurs « frères d’arme ».
Enfin, je finirai avec la place importante laissée au droit et à la politique. J.K. Rowling a créé toute une société cohérente et organisée. Tout comme les Moldus, les Sorciers sont gouvernés par un Ministère de la Magie avec un Ministre de la Magie, homologue direct du Premier Ministre. L’auteure décrit aussi précisément les arcanes de la justice, avec plusieurs instances, aux rôles précis. On y trouve ainsi le Bureau des Aurors (équivalent de la police), mais aussi le Magenmagot, le tribunal de la justice magique, sans oublier la terrible prison d’Azkaban et ses terrifiants gardiens. Les jeux politiques apparaissent clairement à partir du tome 5, avec les différentes campagnes de propagande, menées d’abord par Fudge, puis par son successeur Rufus Scrimgeour.
Je ne fais qu’esquisser ce domaine, très riche dans les tomes. N’hésitez pas à creuser le sujet avec un ouvrage dédié : Le Droit Dans La Saga Harry Potter.
Conclusion, Harry Potter, un dispositif de médiation scientifique ?
Je n’irai pas jusqu’à considérer la saga Harry Potter comme des romans de vulgarisation scientifique. Certes, beaucoup de domaines scientifiques se rattachent aux ouvrages, pour autant, la lecture des tomes n’a pas pour objectif premier de transmettre directement des connaissances. Nous sommes plutôt sur un dispositif de médiation scientifique informelle, la fameuse culture populaire dont nous avons déjà parlé.
Le succès de la saga, puis de ses produits dérivés (films y compris) a permis une transmission facilitée des savoirs. Il existe aujourd’hui énormément de jeux de sociétés éducatifs édités dans une version Harry Potter (Mémory, Labyrinthe, Trivial Poursuit, Cluedo…). Les jeux de construction et les jeux vidéos ne font pas exception, des dispositifs qui peuvent aussi avoir une portée éducative.
© Flickr.
Enfin, j’ai envie de dire que la démarche scientifique transparaît aussi dans les romans. Les trois premiers tomes sont ainsi des romans d’enquête où il faut résoudre des énigmes. Il faut donc émettre des hypothèses et les tester (tout en restant en vie). Pour les 4 tomes suivants, on part plutôt sur des romans initiatiques avec une quête à mener, celle des horcruxes, qui doit mener à la destruction de Voldemort. Il s’agit d’une quête initiatique qui permet aux héros d’en apprendre plus sur qui ils sont. Ils gagnent en maturité et en ne voient plus la vie en noir et blanc, mais en nuances de gris.
Pour finir, je vous invite donc à vous (re)plonger dans cette saga culte et à la (re)découvrir avec un esprit critique et curieux !
Quelles connaissances vous semblent transparaître dans Harry Potter ? Peut-on considérer la série comme un dispositif de médiation scientifique ?
Sources :
- Bézoard, Wikipédia.
- Harry Potter et le fabuleux monde des sorciers, par Anne Besson, publié en 2016 par la BNF ;
- Interprétations politiques de Harry Potter, Wikipédia ;
- Science, médecine et magie : les origines d’Harry Potter dans les livres anciens, par Antoine Oury, publié le 3 juillet 2017 dans ActuaLitté.
very good thanks