La vidéo, un support de vulgarisation scientifique efficace ?
La vidéo de vulgarisation scientifique a le vent en poupe…
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La vidéo est un support de vulgarisation scientifique qui a le vent en poupe. De plus en plus apprécié, tant par les communicant.e.s, que par les publics, il permet de traiter de sujets très variés : des mathématiques, jusqu’à la paléontologie, en passant par l’histoire.
Je m’avance peut-être, mais j’ai quand même l’impression (ce serait à vérifier avec des études), que la vidéo est le dispositif roi de la vulgarisation scientifique. Face caméra ou non, les communicant.e.s peuvent ainsi parler d’un sujet, tout en l’illustrant avec des visuels. À l’ère d’une société où l’image est si importante, son succès n’est donc pas étonnant.
Pour mieux nous parler de ce support de vulgarisation scientifique (la vidéo étant typiquement un dispositif unilatéral et descendant), je vais laisser la parole à Lê Nguyên Hoang. Ce docteur en maths a décidé de faire aimer ces dernières, ainsi que la physique, à tous, grâce à sa chaîne Science4all.
Une vocation : vulgariser les sciences et les mettre à la portée de tous
Lê Nguyên Hoang s’est lancé dans la vulgarisation scientifique en 2012, lorsqu’il était en thèse. Cependant, il n’a pas commencé par la vidéo, mais par l’écrit, avec un blog en anglais. En 2013, il tente quelques premières vidéos, puis se lance définitivement en 2016.
Si Lê a décidé de se consacrer à la vulgarisation scientifique, c’est parce qu’il se passionne pour les mathématiques. Il souhaite les partager et montrer à tous que finalement, il n’y a pas que des concepts compliqués. Au contraire, de nombreux savoirs mathématiques sont intéressants et méritent d’être transmis. Après quelques années, Lê a finalement trouvé sa vocation. La vulgarisation scientifique est devenue sa passion. Grâce à ses actions, il a l’impression d’avoir un impact et de pouvoir changer l’image des mathématiques.
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La vidéo : un support idéal pour vulgariser les savoirs
Pourquoi privilégier le support vidéo pour la vulgarisation scientifique ?
Une explosion du côté du YouTube francophone marque les années 2014-2015. La chaine de Lê ne fait pas exception, avec un décollage des vues. Finalement, ses vidéos semblent avoir plus d’impact que ses écrits du blog (quelques milliers de vues par mois sur le blog entier, contre des centaines de milliers pour les vidéos). C’est le même résultat pour les abonnés, avec des centaines de milliers de nouveaux spectateurs.
Mais pourquoi un tel engouement pour les vidéos ? Pour Lê, ce support est un très bon médium de vulgarisation scientifique. Il permet de rendre un sujet plus dynamique et intéressant, surtout une discipline telle que les mathématiques. En effet, l’écrit a tendance à la rendre plutôt figée. Grâce à l’oral, il est possible de transmettre des émotions, de souligner les messages plus ou moins importants, de montrer ce qui est vraiment pertinent. La vidéo est, pour Lê, plus plaisante. Avec elle, il ose faire des blagues et de l’humour et il peut également présenter plus de visuels.
Quelle serait la « recette » idéale pour avoir une « bonne » vidéo de vulgarisation scientifique ?
Il n’y a pas de recette miracle. Finalement, cela dépend surtout du style des vidéos. Le plus important, pour Lê, c’est qu’il faut qu’il y ait des disparités dans toutes les offres, car tout le monde n’aime pas les mêmes choses. Ce qui compte, c’est d’éviter absolument les contre-sens. Une astuce de pro ? Pensez à partager vos enthousiasme et votre curiosité. En effet, n’oubliez pas que l’objectif de votre vidéo est que les spectateurs aient envie d’en savoir plus… (D’ailleurs, c’est pour moi l’un des objectifs principaux de la vulgarisation scientifique, vous le savez !).
La forme est aussi très importante. Il faut parfois réaliser plusieurs vidéos pour pouvoir trouver son style. Pour Lê, il faut dans tous les cas proposer quelque chose de dynamique, il faut éviter les longs monologues. De plus, il faut penser au rythme de la vidéo, ne pas hésiter à rentrer dans les détails si nécessaire, tout en ponctuant de traits d’humour. Attention par contre à ne pas seulement privilégier la technique ! Il faut trouver le bon dosage entre des notions trop complexes ou, à l’inverse, trop basiques.
Cependant, encore une fois, il n’y a pas de règle universelle. Une « bonne » vidéo de vulgarisation scientifique dépend surtout de la chaîne en question, certaines s’axent en effet plus sur le côté fun que d’autres. Le public est aussi à prendre en compte, tous ne cherchent pas les mêmes choses, il est donc important de les écouter !
Pas une, mais trois chaînes de vidéos de vulgarisation scientifique
Un partenariat très intéressant avec l’EPFL
Lê possède donc sa propre chaîne de vulgarisation scientifique, mais ce n’est pas tout ! Il est également co-responsable de deux chaînes pour l’EPFL (École Polytechnique Fédérale de Lausanne).
La première, Wandida, a tout d’abord été lancée par Medhi El Aldi. C’était à la base des vidéos plutôt « scolaires » pour expliquer des concepts mathématiques. Cette chaîne a bien fonctionné et Medhi a donc proposé aux professeurs de l’EPFL de réaliser également quelques vidéos. L’institution a ainsi trouvé le projet intéressant et à décidé de le récupérer aux alentours de 2015. L’image de l’université est en effet très importante, notamment pour favoriser le recrutement des élèves et des professeurs. Elle nécessite donc une bonne exposition et un bon référencement, en particulier sur les moteurs de recherche comme Google (le classement de Shanghai y est souvent très corrélé). La chaîne permet aussi de mettre en avant les innovations créées par l’EPFL. En 2016, elle a cherché quelqu’un pour reprendre le projet et Lê s’est donc proposé.
Il y a déjà plus de 500 vidéos sur Wandida. Après les vidéos de pure vulgarisation, de nouveaux projets voient le jour où les professeurs présentent leurs projets de recherche. Ceci permet de susciter des vocations et d’attirer de nouveaux élèves. Ces vidéos donnent également un aperçu plus général de ce qui se fait en Recherche et des liens qui sont parfois tissés avec le monde industriel.
La deuxième chaîne, ZettaBytes, est quant à elle destinée à des contenus plus vulgarisés.
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Quel était le public visé lors de la création de ces deux chaînes ? Pourquoi ?
Les vidéos de Wandida ont principalement un niveau universitaire. Elles ont pour but d’aider les étudiants en études supérieurs dans les mathématiques et l’informatique. Elles vont traiter d’une idée, d’un concept, d’un théorème à clarifier ou encore d’un point particulièrement difficile vu en cours par les étudiants. Cette chaîne suppose donc que les spectateurs aient déjà des pré-requis.
Cependant, l’EPFL est aussi consciente que de plus en plus de personnes utilisent YouTube pour trouver des informations ou des réponses à leurs questions. C’est pour cela que la chaîne ZettaBytes existe. Son contenu est beaucoup plus vulgarisé et touche donc un public plus large et d’ailleurs fidèle. La chaîne explique les recherches actuelles menées sur certains sujets, comme l’Intelligence Artificielle, elle présente des pistes pour le futur. Les vidéos sont donc destinées à des publics qui ont fait quelques années d’études après le bac, mais pas à des experts. Il n’y a pas forcément besoin d’avoir de pré-requis.
Une vulgarisation scientifique réussie ?
Les publics abonnés aux deux chaînes de l’EPFL sont plutôt conformes aux attentes. Pour Wandida, il s’agit bien d’étudiants, entre 18 et 24 ans. Tandis que ZettaBytes regroupe des personnes entre 24 et 35 ans (donc bien un public plus large). Il est par contre plus difficile de mobiliser les personnes ayant 40 ans ou plus, car elles sont moins utilisatrices des plateformes de vidéos.
Wandida existe depuis 2011 et, pour l’EPFL, c’est une expérience très positive. Elle comptabilise plus de 2 millions de vues et coûte finalement très peu d’argent, car les vidéos sont souvent faites avec les moyens du bord. Beaucoup de professeurs utilisent les vidéos ou y font référence pendant leurs cours. Les élèves les utilisent également souvent comme compléments. Certaines ont même été présentées dans des congrès.
En effet, le monde académique plébiscite de plus en plus les supports vidéos. Ainsi, la conférence NIPS de décembre 2017 (axée sur l’IA) encourageait fortement les chercheurs à accompagner leur article à soumettre d’une vidéo de quelques minutes pour présenter leurs résultats de recherche. L’EPFL, quant à elle, propose des concours de vidéos entre doctorants. Ces derniers doivent créer des vidéos de 2 minutes, puis un jury vote pour la vidéo la plus aboutie et le gagnant pourra participer à un séminaire. Enfin, il faut savoir que de plus en plus d’universités regardent si les professeurs en recherche d’un poste ont, ou non, créés des vidéos. Cela leur permet de savoir si le candidat est un bon pédagogue et s’il est capable de vulgariser son sujet.
Y a-t-il des améliorations qu’il faudrait apporter à la vidéo pour diffuser les sciences au plus grand nombre ?
Il est très important qu’une vidéo soit rapide à faire (le temps de création est souvent sous-estimé). Il faut en produire suffisamment pour alimenter la chaîne, sans sacrifier la qualité. Piste de réflexion : comment produire de la qualité en quantité ?
Il y a certes beaucoup de commentaires sur les chaînes, ce qui est une bonne chose, il est pourtant parfois difficile de faire émerger des avis pertinents. Il faut éplucher les avis pour récupérer quelques conseils, sur les techniques audio-visuelles par exemple.
L’EPFL est très satisfaite du dispositif déjà mis en place et recommande la mise en place de chaînes de vulgarisation scientifique auprès d’autres institutions, telles que l’INRIA par exemple. Il y a en effet besoin de beaucoup plus de communication sur l’importance de l’informatique. En France, cette dernière est encore vue comme « un truc d’ingénieur ». Il y a beaucoup à faire pour améliorer son image, ainsi que celle des mathématiques.
Cependant, ce n’est pas si facile de s’y mettre. La création de vidéos demande des compétences particulières, de même que la vulgarisation et la communication scientifique. Nous en avons déjà parlé, communiquer les savoirs n’est pas inné, même si c’est très important pour les scientifiques. Il faut se faire accompagner et surtout prendre le temps de s’investir…
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[…] pour aider au travail des vidéastes scientifiques. La raison ? Un intérêt particulier pour le monde de la vidéo de vulgarisation scientifique et le souhait de partager les savoirs. De plus, le Quai des Savoirs souhaitait également toucher […]
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