Stupeur, un vrai morceau de culture scientifique
Je sais bien qu’actuellement nous parlons beaucoup de pandémie, épidémie, maladie… et autres termes en « -ie ». Cependant, s’il vous plaît, ne quittez pas le site ! Ne partez pas, parce que je vais vous parler aujourd’hui d’un vrai petit bijou, le livre Stupeur !
Ce roman de vulgarisation scientifique, l’un des derniers nés de Lucca Éditions est un véritable morceau de plaisir. Écrit par Julie Chibbaro, New-Yorkaise, et traduit par Hermine Hémon, il met en scène un récit historique dans un cadre très réaliste.
Plongez avec moi dans le New-York des débuts 1900, loin du faste de la 5ème avenue et accompagnez Prudence Galewski dans son enquête que l’on pourrait qualifier de policière, sur les traces d’une épidémie de fièvre typhoïde et de Mary Mallon, dite « Mary Typhoïde ».
Pourquoi vous devez absolument découvrir et lire Stupeur ?
Stupeur, un roman très prenant et prégnant
Un cadre historique et réaliste : on s’y croirait !
Comme beaucoup d’autres romans édités chez Lucca Éditions, et que j’ai beaucoup aimé, en particulier La Veilleuse d’Âmes, Stupeur est également écrit à la première personne.
À l’instar de Nix Olympica, nous accompagnons l’héroïne lors de la rédaction de son journal intime. Je vous l’ai déjà dit, j’aime beaucoup ce genre d’écriture, très intimiste. C’est en effet parfait pour se projeter et se plonger dans la vie de Prudence. Grâce à l’expression de ses ressentis et de ses sentiments, nous pouvons véritablement nous imprégner de son histoire et de sa vie de jeune New-Yorkaise du début du 20ème siècle.
Prudence, l’héroïne, donne de nombreux détails qui permettent d’appréhender cette société et cette ville que je ne connaissais finalement pas. Nous sommes directement plantés dans le décor de l’époque. L’héroïne nous offre beaucoup de détails sur la ville, sur la vie des immigrés et leurs difficultés… Une petite tranche de cette histoire du « Rêve Américain », dont nous avions entendu parler à l’école. Elle nous régale également avec ses illustrations qui montrent bien sa volonté de découvrir et de comprendre.
Stupeur est un ouvrage vraiment très prenant. L’histoire est bien ficelée, pleine de rebondissements, nous avons vraiment l’impression de suivre un enquête policière avec son suspense et ses dénouements. L’auteure arrive à nous tenir en haleine et nous avons donc envie de suivre l’histoire jusqu’au bout, de savoir ce qui va arriver à l’héroïne.
© Reddit.
Une héroïne complexe, en avance sur son temps
Prudence Galewski, l’héroïne (fictive) de Stupeur est un personnage complexe, qui se questionne beaucoup. Ses interrogations sont nombreuses et souvent en avance sur son temps.
Ses questions, très pertinentes, sont très prenantes et nous happent. Nous sommes amenés à nous interroger avec elle, sur le monde qui nous entoure, sur ce que nous ne pouvons pas comprendre, pas voir... L’auteure est subtile puisqu’elle diffuse les questions tout au long de la lecture, sans nous étouffer. Au contraire, elles sont très intéressantes pour les lecteurs afin qu’ils développent leur curiosité, leur ouverture au monde et leur esprit critique.
Stupeur est également un livre assez féministe. L’héroïne, comme je vous l’ai dit, est en avance sur son temps. Elle nous faire part de ses aspirations profondes, plutôt en contradictions avec sa société. Une fille peut-elle suivre ses envies ? Peut-elle faire autre chose que ce pourquoi elle est formée, voire même destinée par la société ? Cependant, l’ouvrage est aussi un bel exemple d’optimisme et d’égalité des chances. Il faut se battre, il faut oser pour obtenir ce que l’on désire.
J’adore découvrir la passion qui anime et qui grandit au sein de Prudence, au fur et à mesure de ses découvertes scientifiques. C’est satisfaisant de constater qu’elle arrive à répondre à ses questions, qu’elle arrive à s’ouvrir au monde… Finalement, j’ai presqu’envie de dire que Prudence est une définition même de la vocation. Elle incarne donc un très beau message positif, malgré tout le sexisme de cette époque.
Stupeur ou un bel exemple d’histoire des sciences
De la culture scientifique au menu
© Wikipédia.
Stupeur n’est pas seulement un roman très prenant, c’est aussi un très bel exemple d’histoire et de culture scientifique. Nous découvrons, en temps réel, comment les scientifiques travaillaient à l’époque, où en étaient les découvertes épidémiologiques et biologiques, quels étaient leurs outils, leurs méthodes… La lecture est donc très intéressante puisqu’elle permet de mieux comprendre les avancées et les découvertes scientifiques, finalement très nombreuses à cette époque. J’aime aussi beaucoup découvrir comment on enquêtait et découvrait des maladies à l’époque. J’aimerais bien savoir si ce travail d’enquête existe toujours aujourd’hui…
J’aime beaucoup l’image qui est diffusée tout au long de l’ouvrage. Une image des sciences et des connaissances scientifiques qui aident à s’ouvrir au monde et à dévoiler ses mystères. Une image des sciences qui conduit à se questionner et à prendre du recul sur ce qui nous entoure. L’héroïne se fait vraiment l’ambassadrice de la curiosité scientifique, du questionnement et de l’esprit critique.
Nous apprenons aussi beaucoup sur l’étude épidémiologique de l’époque. C’était (c’est ?) une véritable enquête policière. Rien n’est laissé au hasard, les scientifiques décortiquent tout : analyse des emplois du temps, des mouvements, des repas, des relations… Il s’agit d’un travail de fourmi, très précis, qui nécessite d’explorer plusieurs pistes et plusieurs « coupables » potentiels…
L’ouvrage est également un recueil de petites anecdotes scientifiques croustillantes qui ponctuent la lecture. À l’instar de celle de Bell et de son invention du téléphone, à la base créé pour communiquer avec sa femme et sa fille, toutes deux sourdes. Stupeur rend donc un bel hommage à la culture scientifique et à l’histoire des sciences. Il met en scène l’histoire d’une femme, celle de Mary Mallon (surnommée « Mary Tiphoïde » et vrai méchant loup de New-York), l’un.e des premièr.e porteur.e sain.e de l’histoire. Nous assistons vraiment à la validation de ce qui n’était qu’une théorie.
Le féminisme d’hier à aujourd’hui
J’ai parfois la sensation d’avoir été élevée dans un monde de « bisounours » et de me rendre de plein fouet les inégalités qui ont accompagné notre histoire (et qui sont toujours présentes).
Stupeur nous propose un tableau le plus fidèle possible de l’époque. La condition de la femme n’est donc pas épargnée (et encore, je me demande si ce n’était pas pire ?). L’ouvrage nous propose un florilège des remarques, critiques, harcèlements… que pouvaient subir les femmes, surtout lorsqu’elles sortaient du cadre qui leur était assigné. Nous voyons vraiment que, malgré l’intelligence dont certaines femmes font preuve, beaucoup d’hommes ne voient pas leurs compétences. Ils ne voient qu’une femme qui devrait forcément être secrétaire ou gouvernante.
Prudence envoie valser (subtilement) tous ces préjugés et exprime la volonté de suivre sa voie, de devenir une femme indépendante. Cette indépendance se gagne-t-elle par le travail ? En réalité, c’est effarant de découvrir que, même encore aujourd’hui, certaines réflexions sur les filles en sciences présentes dans le livre sont toujours vraies. Il faut toujours se battre pour se faire une place et pour apprendre. C’est peut-être aussi là l’un des objectifs de l’auteure : prendre conscience des combats qui ont été menés pour nous et qui doivent perdurer encore aujourd’hui.
Un livre avec beaucoup de questions
Vous l’aurez peut-être compris, Stupeur pose et amène beaucoup de questions. Des réflexions très pertinentes sont aussi proposées, sur les aspirations et les motivations. Pourquoi et pour quoi travailler ? Une fille peut-elle avoir un travail avec du sens et des valeurs ? Qu’a-t-elle le droit de faire ? Ou de ne pas faire ? Des questions aussi, très ouvertes et en avance, sur la maternité : pourquoi faire des enfants ? Quels intérêts ? Pourquoi devoir se presser ?
Les questions féministes ne sont pas les seules à ponctuer la lecture, il y en a aussi sur la vie, la mort, la religion… L’héroïne remet aussi en question les traditions, s’interroge sur la place des migrants, sur leur intégration… La mort est parfois presque centrale et c’est elle qui va mener Prudence sur les traces de la médecine. Comment la combattre ? Pourquoi la mort ? D’où vient-elle ? Des détours (ou pas d’ailleurs) qui nous amènent à la virologie et aux « entités qui rendent malades ». Prudence veut comprendre et cherche une cause raisonnable à des phénomènes encore inconnus.
Conclusions (Ce qu’il faut retenir)
Vous l’aurez sans doute compris à la lecture de mon article, j’ai adoré Stupeur ! Il n’y a pas grand chose à critiquer, sinon que j’aurai aimé suivre plus longtemps les aventures de Prudence, un tome 2 pour plus tard ?
L’ouvrage est très agréable à lire et diffuse ses questions, réflexions et connaissances de manière subtile et adéquate. L’histoire et ses rebondissements nous happent et nous voulons connaître la fin.
L’aspect culturel et historique du roman est aussi très intéressant et m’apporte quelques connaissances du revers du « Rêve Américain », j’aurai aimé en savoir plus, même si ce n’est finalement pas le sujet du livre. Dans tous les cas, il donne un bel aperçu des sciences de l’époque et ne laisse pas indifférent, au vu de toutes les questions qu’il pose…
gooooooooooooooooood