Confinements, médiation scientifique, communication scientifique

Confinements et communication scientifique, des changements ?

Les confinements ont-ils transformé la communication scientifique ?

 

Les confinements ont changé beaucoup de choses dans notre culture et notre environnement. Qu’en est-il de la communication scientifique ?

Confinements, médiation scientifique, communication scientifique

© Pixabay.

Je vous propose un peu de réflexion pour cette semaine… Un article réflexif et participatif où j’aimerais aussi avoir votre avis !

Aujourd’hui, Mathieu Baiget, créateur de l’entreprise Ludiconcept, Agatha Liévin Bazin, médiatrice et illustratrice scientifique, Florian Delcourt, responsable de l’ingénierie culturelle chez S[cube] – partageons les sciences et Estelle Nakul, chercheuse en neurosciences et créatrice et modératrice du Groupe Facebook Culture Scientifique Ludique nous partagent leur avis et leurs réflexions. Ces opinions, je les obtenues en discutant individuellement avec chacun d’eux.

Pourquoi est-il important de transmettre les savoirs, en particulier pendant cette période ? La crise sanitaire a-t-elle modifié les activités de communication scientifique ? Le confinement a -t-il conduit à de nouvelles façons de transmettre les savoirs ? À de nouvelles innovations ? Quels prochains challenges de la communication scientifique ont été révélés par la crise sanitaire ?

De nombreuses questions que je me suis posées et auxquelles j’ai voulu essayer de répondre à travers mes différents échanges. Et j’espère que vous réagirez également ! J’aimerais vraiment connaître vos retours sur cette période et sur les influences qu’elle a eu sur vos activités…

 

Pourquoi faut-il continuer de partager les savoirs, en particulier pendant les confinements ?

S’émerveiller et développer sa curiosité

Communiquer les sciences doit être un vrai plaisir. Cela doit produire sur les publics un véritable émerveillement sur ce qu’ils apprennent, sur les savoirs obtenus sur le monde vivant… Pour le.la communicant.e, l’objectif est donc de partager cet émerveillement !

Il est de plus en plus important, surtout avec la période que nous en sommes en train de vivre, de comprendre le monde dans lequel nous vivons. De comprendre notre environnement et les animaux qui nous entourent, même en ville ! Ce n’est plus possible de se couper de ce monde vivant, surtout si nous voulons essayer de le protéger. Il faut apprendre à vivre en harmonie avec notre environnement.

Pour que la communication scientifique et cette transmission de savoirs restent un plaisir, le jeu peut ainsi être un bon outil. Les publics un peu « réfractaires » aux sciences, ceux qui estiment qu’ils ne sont pas concernés seront moins intimidés par des jeux. Ces derniers délivrent une promesse. Celle d’apprendre en s’amusant. Le jeu permet donc de séduire différents types de publics. Ainsi, un escape game sur l’archéologie ne parlera plus seulement aux amateurs et professionnels de ce domaine. Au contraire, un tel dispositif permet d’acquérir de nouveaux publics. Enfin, le jeu, avec son format interactif aide à mieux mémoriser. Il fait vivre une expérience, il crée de l’émotion (suspens, interactions, pression, réflexions) et, en cela, le jeu ancre les savoirs transmis.

La communication scientifique doit être là pour accompagner les publics. Elle doit les amener à construire quelque chose de nouveau. Ce genre d’objectif est très motivant, car le.la communicant.e scientifique co-construit avec eux. Il.elle échange et découvre des personnes qui ne sont pas dans l’obligation de rester et doit donc apprendre à s’adapter pour les intéresser.

 

Adopter une démarche scientifique et se questionner

Confinements, médiation scientifique, communication scientifique

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S’émerveiller sur le monde et s’y intéresser invite donc à se questionner. Pourquoi ? Comment ? Il faut apprendre aux publics à remettre en question les idées reçues et faire changer les mentalités sur certains préjugés. Cette remise en question passe, notamment, par l’obtention d’un regard critique. Ce dernier est apparu vraiment essentiel pendant ce confinement, pour aider les publics à séparer le bon grain de l’ivraie.

L’apprentissage et la transmission de la démarche scientifique sont des moyens essentiels pour savoir se poser les bonnes questions. Il faut apprendre aux publics à adopter une posture de découverte. Une posture qui les invite à se poser des questions et à vouloir y répondre de façon méthodique. La transmission de cette posture conduira ensuite les publics à faire preuve d’une plus grande ouverture d’esprit et leur donnera envie d’apprendre et de comprendre.

Il faudrait transmettre cette démarche scientifique dès le cursus scolaire, puisqu’elle permet d’apprendre à appréhender différentes problématiques. Elle apprend à adopter une méthodologie pour répondre aux problèmes et proposer des solutions. Transmettre la démarche scientifique est aussi une façon de rendre les publics plus autonomes. Ils pourront ensuite construire leurs propres méthodologies et procédures pour répondre aux problèmes personnels et professionnels qu’ils rencontreront.

 

Qu’est-ce que les confinements ont pu modifier dans les actions de communication scientifique ?

Une perte de lien physique avec les publics

Le plus gros changement induit par la crise sanitaire et les confinements reste la perte de lien physique avec les publics. Il n’est effectivement plus possible de réaliser des rencontres face à face, en particulier pour la médiation scientifique. Les événements en présentiel (Pint of Science, Play Azur à Nice, Nuit des Chercheurs) ont presque tous été annulés. Il n’était aussi plus possible d’aller à la rencontre du grand public, que ce soit dans la rue ou dans les espaces dédiés à la culture scientifique. Ni d’aller dans les classes, à la rencontre des scolaires. Mais ! Bonne nouvelle, ces activités reprennent un peu !

Pour S[cube], la Fête de la Science a été le seul moment presque « normal » de 2020, hormis les gestes barrières. En revanche, presque toutes les expositions itinérantes n’ont pu être exposées aux publics entre mars et l’été, puis d’octobre à décembre. Seules quelques unes ont pu rester dans les collèges. C’est d’ailleurs intéressant de constater qu’il y a eu une multiplication des demandes de la part de ces établissements.

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© S[cube].

 

Une explosion du format numérique

Ce qui est sûr, c’est que les confinements ont conduit à une explosion de l’utilisation des dispositifs numériques. La communication scientifique semble s’être plutôt bien adaptée à ce format. Cette adaptation était le vrai challenge de 2020 ! Il était donc important pour les communicant.e.s de connaître les outils numériques, mais également les outils ludiques pour pouvoir adapter ces dispositifs.

Les communicant.e.s et les instituts ont investis de nouveaux dispositifs. Agatha, par exemple, s’est beaucoup investie dans la radio, jusqu’à l’achat d’un nouveau micro pour pouvoir faire des émissions de qualité. Le live sketching s’est aussi beaucoup développé. Il demande par contre plus de techniques et de logistique, avec notamment une très bonne webcam pour filmer les dessins en bonne qualité. Au niveau du numérique, beaucoup de structures de CSTI font des lives de qualité.

Cependant, le numérique ne fait (très clairement), pas tout ! C’est notamment beaucoup plus difficile de faire se rencontrer le grand public et les scientifiques. C’est également plus difficile d’atteindre les publics non avertis et qui ne s’intéressent pas spontanément aux sciences, ou pour qui les sciences ne font pas partie de leur culture. Le numérique n’est pas aisé pour faire venir des personnes « par hasard ». Au contraire, ce sont surtout les publics avertis, ou les amis de ces avertis qui sont touchés par le numérique. Le confinement a donc limité le brassage des populations.

 

Une activité de communication scientifique adaptée aux confinements

Pour nos témoins, qui travaillent beaucoup en équipe, les principaux changements ont surtout été sur la façon de travailler avec leurs collègues. En revanche, les missions de conceptions ont été peu modifiées. S[cube] a pu continuer de créer ses expositions (de février à juin) et ainsi finaliser leur dernière création testée pour la première fois lors de l’édition 2020 de la Fête de la Science. Coup de chance, cette dernière a pu se passer face public ! En revanche, les autres expositions doivent encore attendre pour être partagées avec les publics…

Les communicant.e.s ont développé d’autres activités, notamment des actions plus solitaires. Agatha s’est notamment lancée dans l’écriture. Et j’ai hâte de découvrir ses œuvres ! Quant à Estelle, elle a utilisé ce temps pour développer un jeu de cartes sur l’histoire des connaissances sur le cerveau, type Time Line, pour les étudiants. Les confinements sont finalement de bonnes occasions pour développer certains projets, importants pour soi. Estelle a ainsi créé son auto-entreprise et son fameux groupe Facebook a pris son envol !

Pour autant, pour la plupart de nos témoins, il n’y a pas eu vraiment de nécessité de repenser leur façon de faire. Ils n’ont pas forcément été instigateurs de nouveaux dispositifs, mais ils ont su s’adapter, et cela, c’est une belle performance !

 

De nouveaux outils de communication scientifique ont-ils émergé ?

Innovations d’usages dans les outils de communication scientifique

Confinements, médiation scientifique, communication scientifique

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En termes d’outils, il n’y pas forcément d’innovations, en revanche, il y a vraiment eu des innovations d’usages. En effet, la plupart des outils existaient finalement déjà, avant les confinements. Ils n’étaient juste pas, ou peu, utilisés (par exemple le tableau blanc de Skype). Ces outils se sont donc (re)développés et améliorés. Peut-on pour autant parler de nouvelles pratiques ? Car, au final, la forme n’est pas vraiment différente du présentiel. C’est une transformation filmée, en live. La technique permet de compenser la distance, mais pas forcément d’amener des dispositifs innovants.

C’est aussi le cas des jeux de sociétés, qui sont redevenus à la mode, notamment ceux à 1 ou 2 joueurs. Ils ont aussi bien colonisé le numérique. Beaucoup de supports de jeux ont été repensés, tels que les escape game, les serious game ou les jeux immersifs. J’ai moi-même testé des sortes de « pictionnary » en ligne, très sympa pour amener du ludique dans les savoirs. Pour autant, on ne peut pas forcément parler d’innovations. Ces formats existaient déjà, ils ont surtout eu une nouvelle mise en lumière.

 

Une (re)découverte du numérique et des réseaux sociaux ?

Peut-on dire que 2020 aura été l’année de la communication scientifique numérique ? La plateforme Twitch a eu beaucoup de succès parmi les communicant.e.s scientifiques. Cette plateforme permet notamment de faire des « raids » où l’on peut faire se croiser les communautés. Cependant, il est difficile de quantifier les nouveaux abonnés. Ces nouveaux outils s’accompagnent d’un changement au niveau des publics. Ce sont en effet surtout les 25-35 ans qui suivent et investissent les dispositifs numériques. Il est plus difficile de toucher d’autres classes d’âge et surtout les publics « naïfs ».

Ce qui a été très visible pendant ces confinements, ce sont les échanges sur les réseaux sociaux. Il y a eu, entre autres, de sacrés « batailles » entre les « sachants » et les « complotistes » et les publics devaient se positionner, choisir un camp. Ce qui est dommage, c’est qu’il n’est pas évident pour les communicant.e.s scientifiques de se positionner au sein de ces débats. Or, il.elle.s sont essentiel.le.s pour accompagner et faciliter les dialogues.

Le numérique a donc été investi par énormément de supports et dispositifs. Pour autant, lorsque la vie reprendra, il sera important de (ré)investir le physique. Les nouvelles stratégies devront se penser en fonction du public ciblé et intégrer du présentiel et du distanciel.

Ce que l’on peut retenir, c’est que le monde de la culture scientifique s’est bien adapté, notamment grâce aux lives sur les différentes plateformes. Il y a eu beaucoup d’efforts de fait pour vulgariser autour des virus, de la COVID19 (nous pouvons citer l’exemple de Kézacovid). Des efforts pour donner du sens et de l’ordre à travers la foultitude d’informations transmises.

 

Des publics plus autonomes avec les confinements ?

Pendant ces périodes de confinement, il était intéressant de voir comment les publics ont dû construire leurs propres savoirs. Le savoir transmis est complètement défini et construit par la personne qui le reçoit. Or, cette personne a ses propres envies, ses propres vécus et croyances. Donc, quoique nous fassions, elle construira ce qu’elle veut à partir des savoirs obtenus. Il y a donc une certaine part que nous ne pouvons pas contrôler, et c’est d’autant plus vrai lorsqu’il n’est pas possible d’échanger en face à face. Pendant ces confinements, il y a eu vraiment une différence entre ceux qui étaient prêts à écouter et ceux qui ne l’étaient pas. Ce qui démontre bien qu’il est important de co-construire les savoirs avec ses publics.

Les confinements corroborent le fait qu’il n’est pas possible de construire et d’ancrer les savoirs à leur place. Les communicant.e.s scientifiques ne peuvent faire que des propositions, que les publics sont en droit d’accepter ou non.

Il y a donc encore beaucoup à faire, surtout autour du sens critique. En particulier dans cette période numérique où nous sommes abreuvé.e.s d’informations en permanence.

 

Quels nouveaux enjeux et challenges pour la communication scientifique à la lumière de ces confinements ?

Imaginer des dispositifs hybrides mêlant présentiel et distanciel

Plusieurs supports, principalement numériques, sont apparus pendant ces confinements. Il faut donc les mettre à profit et les exploiter dans des formats hybrides, notamment pour les musées de sciences et les CSTI. Le numérique pourra ainsi permettre d’amener la culture scientifique dans les chambres et les salons des publics et, en parallèle, les institutions pourront inciter ces mêmes publics à (re)venir entre leurs 4 murs. Les outils numériques peuvent aussi être utilisés dans un second temps, pour prolonger l’expérience muséale.

Dans tous les cas, le numérique seul ne suffit pas. Au contraire, il appauvrit la communication scientifique. Il faudra donc revaloriser les institutions muséales. Du strict point de vue de la médiation scientifique, les confinements n’ont été clairement pas bénéfiques car ils ont énormément diminué les échanges avec les publics.

 

(Re)trouver sa place en tant que communicant.e scientifique

Les communicant.e.s scientifiques doivent redéfinir leur place entre les sachants et les publics. Les scientifiques ont, en effet, été très mis en avant pendant cette crise sanitaire, de manière plus ou moins efficace. Cependant, les communicant.e.s, et en particuliers les médiateur.trice.s, ont été plutôt oublié.e.s. Où est la nouvelle place de la médiation scientifique ? Cette dernière est normalement là pour aider à la transmission des savoirs entre les scientifiques et les publics, mais pendant les confinements, on ne lui a pas laissé de place.

Dans ce nouveau paradigme qui semble poindre à l’horizon, la médiation scientifique (et plus largement la communication scientifique) doit donc (re)trouver sa place. Elle va avoir l’assez gros défi de redorer l’image des sciences, qui a pu être écornée. De plus, il lui faudra réussir à créer des espaces de dialogues pour que tout le monde puisse s’inspirer et se construire. Le challenge sera également de redéfinir le champ scientifique et le fonctionnement de la recherche, vis-à-vis de l’omniprésence de personnels scientifiques dans les médias.

 

Co-construire des dispositifs avec les publics

Médiation scientifique, communication scientifique

© Pixabay.

Les publics semblent avoir évolué pendant ces confinements. Ils ont maintenant une impression de connaissances différentes par rapport à il y a 1 an et demi. Aujourd’hui, quasiment tout le monde utilise (plus ou moins bien) des notions de virologie. Les communicant.e.s scientifiques vont donc devoir apprendre aux personnes qu’elles sont loin de tout connaître. Ce ne sera pas évident et il faudra bien comprendre où sont les manques.

Un gros challenge sera de réussir à (re)conquérir les publics oubliés. Ces derniers ont pu être encore plus isolés et défavorisés en raison d’une inégalité numérique sur le territoire. Il faut donc retrouver ces publics qui auront pu être mal informés. Les formats hybrides sont ici intéressants. En effet, même s’ils ne paient pas une entrée physique dans les institutions, ces publics peuvent bénéficier d’une partie de l’expérience en ligne. Il y a donc tout intérêt à mélanger les disciplines pour toucher un public qui n’est pas habitué à aller dans les musées, les bibliothèques...

Ce sera donc important d’imaginer des dispositifs permettant de toucher toutes les classes de la société. Des approches de pop culture (culture populaire), très utilisées par Roland Lehoucq, par exemple, ou mêlant art et sciences peuvent fonctionner. Aujourd’hui (hors COVID), il est ainsi possible de faire des visites de laboratoires avec des comédiens, ce qui est plus facile pour ancrer les connaissances transmises. Le dessin est aussi un formidable outil, très utilisé par l’association Stimuli. Il a en effet un côté universel, qui peut toucher des publics très différents. Dans tous les cas, croiser les dispositifs permet de lever les barrières et de casser avec ce côté élitiste des sciences.

 

Conclusion (Ce qu’il faut retenir)

Les confinements ont modifié certaines actions de communication scientifique, en particulier la médiation scientifique. Cette dernière a, en effet, été très handicapée par l’impossibilité de rencontres et d’échanges directs et en face-à-face avec les publics.

En revanche, il est très intéressant de voir que les différents acteurs (instituts, communicant.s, musées…) ont plutôt bien rebondi et ont réussi à maintenir des actions de communication, notamment via le numérique. Ce dernier s’est vraiment développé et a (re)mis en lumière des outils finalement pas ou peu utilisés, et en a détourné d’autres, en particulier le jeu, qui est un dispositif très puissant pour ancrer les savoirs.

Pour autant, le numérique seul ne peut en aucun cas suffire et dans ce prochain « monde d’après », il faudra bien réinvestir les actions de communication présentielle. Trouver des façons de (re)conquérir les publics oubliés par cette transition numérique forcée. De plus, les confinements ont eu, certes, le côté positif de remettre les sciences au cœur des préoccupations citoyennes, cependant, cela s’est parfois fait de manière contre-productive. La communication scientifique a donc de nouveaux challenges devant elle, en particulier pour trouver sa nouvelle place dans un « nouveau » monde peuplé « d’experts en virologie »…

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Et selon vous, quels impacts ont eu les confinements sur la communication scientifique ?

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2 commentaires

  1. very goooooooooooooooood

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