Le Muséum de Bordeaux : l’un des tous premiers de France
Le 27 juillet dernier, j’ai eu la chance de faire partie de l’un des panels de tests que le Muséum de Bordeaux a mis en place depuis sa réouverture afin de proposer la meilleure expérience utilisateur.trice possible aux visteur.teuse.s de ce « nouveau » musée. Un moment vraiment très intéressant où j’ai pu rencontrer et discuter avec des personnes issues de tous horizons. Des professeur.e.s, des retraités, des boulanger.e.s, des étudiant.e.s… Le panel se veut le plus diversifié possible afin que le musée s’adapte au plus grand nombre. Avoir les points de vue de publics issus de milieu très différents est donc une riche expérience ! J’ai pu reconsidérer certains de mes a priori et m’ouvrir encore plus l’esprit…
Mis à part ces discussions passionnantes auxquelles j’ai participé, j’ai donc aussi eu la joie de découvrir (enfin !) ce fameux Muséum de Bordeaux (allez-y vous aussi !) ! Je n’avais pas eu l’occasion de le visiter avant sa fermeture, je ne pourrai donc pas vous offrir de comparatif. Cependant, j’ai l’intention de vous commenter son exposition permanente, déjà très riche, et vous montrer comment son renouveau a permis de trancher avec son histoire. J’espère que cette visite virtuelle vous donnera ensuite envie de le visiter IRL…
Le Muséum de Bordeaux : un peu d’histoire
Tout commence en 1791 avec la mise à disposition du public des collections Latapie. Petit cocorico bordelais : c’était avant la création du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris (1793). Le Muséum de Bordeaux est donc l’un des plus anciens de France ! Cependant, avant d’être un musée, c’était d’abord un Cabinet de Curiosité. À l’instar de la plupart de ces établissements, il exposait donc majoritairement l’ensemble de ses collections, un peu à la manière d’un « catalogue » ou d’un étal. Les squelettes et autres spécimens empaillés (on ne dit pas encore « naturalisés ») sont alignés dans des vitrines. Avec un peu de chance, ils étaient étiquetés… En tout cas, ils étaient surtout là pour les initiés et beaucoup moins pour faire rêver les publics.
Une des originalités de ce musée, c’est son emplacement. En effet, il se situe dans un hôtel particulier, celui de Lisleferme. Puisque c’est toujours le cas aujourd’hui, cela permet de rappeler ses origines. D’abord un Cabinet de Curiosité qui regroupait les savants de l’époque. Aujourd’hui, plus de savants, ni de Cabinet de Curiosité, mais un véritable Muséum moderne installé dans un cocon historique… Et les dix dernières années de travaux vont véritablement le confirmer !
A la découverte de l’exposition permanente du Muséum de Bordeaux
Une exposition qui implique physiquement le visiteur
Le panel test a principalement pour but d’étudier la disposition et la pertinence de l’exposition permanente. J’ai donc été une bonne élève et je l’ai bien décortiquée… Je ne pourrai donc pas vous présenter les expositions temporaires dans cet article, ce sera une autre histoire !
Le premier point très positif que j’ai noté est l’espace. Les allées sont assez larges, il est donc facile de circuler (même un samedi après-midi pluvieux !). Nous pouvons véritablement nous promener entre de grands spécimens que nous pourrions presque toucher (à ne pas faire bien sûr), ce qui permet de les étudier vraiment sous toutes les coutures. La scénographie est pleine de surprises : des hublots à ras-de-terre, des tiroirs qui s’ouvrent, des animaux au plafond… Il y en a partout et pour tous ! On n’oublie pas les enfants, avec des vitrines à leur hauteur. Certes les « grands enfants » devront se baisser, lever la tête, se tourner... pour tout observer, mais, pour ma part, je trouve que c’est une très bonne idée ! La visite est dynamique et rompt complètement avec une « routine » qu’il peut y avoir dans des musées plus anciens.
Les sens sollicitent le corps des visiteur.teuse.s. La vue, le son, l’odorat et même le toucher (oui, l’ultime tabou !) sont à l’honneur. Certes, il n’est pas possible de toucher les animaux exposés, en revanche l’ouverture des tiroirs « secrets » et la circulation d’un chariot pédagogique avec différents spécimens à manipuler permet de céder à la tentation. La scénographie de l’exposition elle-même veut jouer sur les sens et les notions de grandeur. La visite commence dès l’entrée, au niveau des caisses, avec une diversité observable. Diversité de couleurs, de téguments, de tailles… C’est une autre manière de classer le vivant, plus décalée. Une manière pour le Muséum de rompre avec les anciens codes, avec son histoire de Cabinet de Curiosité.
L’exposition permanente ne se contente pas de dynamiser la visite du public, elle le rend également acteur de sa propre découverte. Le/La visiteur.teuse devient utilisateur.trice. Il/Elle doit chercher les connaissances, tout ne lui est pas dû.
Une exposition qui interroge le visiteur
L’exposition ne sollicite pas seulement le corps des publics, mais aussi le cerveau ! À ce jour, il me semble que les musées (de tous types) ont deux principales missions : faire rêver et interroger. Faire rêver en montrant de l’insolite, du beau et du nouveau, ce qui peut, en outre, susciter des vocations. Interroger pour aiguiser l’esprit critique et sensibiliser les visteur.seuse.s. Le Muséum de Bordeaux a, à mon sens, plutôt joué le jeu.
Pour commencer, dès le début de la visite, et c’est rappelé ensuite, l’être humain est remis à sa juste place : un animal parmi d’autres. Son squelette se retrouve parmi les vertébrés, en fonction de sa taille. Quand à l’être humain en chair et en os (rassurez-vous, c’est un mannequin !), il se trouve parmi les Primates. Rien de plus, rien de moins. Pour moi qui estime qu’il est grand temps que nous retrouvions un peu d’humilité face à la nature, le message est fort. D’ailleurs il n’a pas du tout fait l’unanimité parmi les membres du panel, ce qui prouve bien que tout le monde n’est pas encore prêt à reconsidérer la place de l’être humain dans la nature. Au moins, on lance le débat !
Un son et lumière a lieu dans l’exposition. Il donne des explications sur la classification des espèces et son histoire. L’évolution des Primates bénéficie d’un focus particulier, pour ensuite arriver à l’être humain et les conséquences (positives et négatives) de ses activités sur le vivant. Une question est lancée : quel monde voulons-nous pour demain ?
Une exposition permanente à plusieurs niveaux de lecture
Une scénographie originale, mais pas facile d’accès
Certes, je suis totalement pour les musées qui impliquent directement le public, l’obligent à réfléchir et à s’approprier les connaissances, cependant, cela demande un certain accompagnement. En particulier, car c’est une (r)évolution qui s’installe dans les institutions muséales.
La scénographie de l’exposition permanente est donc très originale et bien faite, pourtant elle déroute également. Comprendre son organisation n’est pas évident, en particulier si vous n’avez pas assisté au son et lumière qui est aussi là pour vous l’expliquer. A défaut, il vous faudra bien faire attention aux grands titres des vitrines. Pour ma part, je me suis donc tournée vers les médiateurs pour avoir quelques explications de texte.
Comme je l’ai indiqué précédemment, le Muséum de Bordeaux a rompu avec ses origines et présente une classification des espèces très décalée. Ici, c’est la nature et sa diversité des milieux, vues par l’être humain, qui est présentée. Il y a tout d’abord eu une diversité géographique, mise en exergue par les explorateurs et les Grandes Découvertes. L’exposition divise donc la diversité en fonction des continents. Un code couleur (donné par le son et lumière, d’où le fait qu’il ne faut pas le rater) est associé à chacun d’eux, cependant il n’est pas facile à percevoir.
Ensuite, plus nous avançons dans l’exposition, plus nous comprenons le vivant et le temps associé. Le Muséum offre également des informations sur les intérêts et les rôles des muséums, ainsi que sur l’importance de la naturalisation (en opposition à l’empaillage). Ce qui est particulièrement intéressant, c’est la vitrine qui montre les différences entre le Muséum de Bordeaux aujourd’hui et le Cabinet de Curiosité d’hier. Ce n’était pas du tout la même scénographie, ni les mêmes objectifs. À l’époque, il fallait pouvoir comparer les espèces entre elles, aujourd’hui, on veut les montrer en interaction avec leur environnement. L’exposition finit sur la notion de classification emboîtée (je vous laisse l’occasion de découvrir ce dont il s’agit).
Des médiateurs nécessaires à la bonne compréhension de l’exposition
Toutes ces explications sur l’organisation de l’exposition, j’ai donc pu les obtenir en discutant avec une médiatrice scientifique. Un instant de partage très intéressant, qui m’a convaincu que les médiateur.trice.s avaient toute leur place au Muséum de Bordeaux et que leurs rôles de devaient pas être négligés.
Non seulement, ils/elles apportent les explications, discutent avec les visiteurs et suscitent la curiosité, mais ils/elles animent également l’exposition, ce qui la dynamise d’autant plus et la sort encore une fois des aspects poussiéreux qui collent parfois à la peau des muséums.
Sans eux.elles, je pense que les messages véhiculés par le Muséum ne seraient pas forcément compris. Ils/Elles font partie à part entière du renouveau du Muséum. À leur contact, vous en apprendrez plus sur l’histoire du musée, son organisation, sa logique… Les médiateur.trice.s répondront à vos questions et amuseront petits et grands…
Conclusion (Ce qu’il faut retenir)
Le (re)nouveau du Muséum de Bordeaux s’inscrit dans cette mouvance de la révolution de la diffusion de la culture scientifique dans les musées. Thème que nous avons déjà abordé dans cet article et cet article. Il répond aux problématiques de réappropriation de la culture et de la culture des sciences dans les institutions muséales.
Cependant, ce renouveau n’a pas été confondu avec révolution numérique. J’ai été très agréablement surprise de constater que le musée n’a pas cédé à l’hyperconnexion. Certes, quelques tablettes sont présentes, mais elles servent surtout de support et ne retiennent pas toute l’attention des publics (surtout des plus jeunes). On a également mis l’accent sur une organisation originale qui implique physiquement et mentalement les visiteur.se.s. On cherche à les rendre autonomes et utilsateur.trice.s afin qu’ils/elles s’approprient l’espace et les savoirs.
Pourtant, cette autonomie (concept finalement assez novateur) doit s’acquérir progressivement. Il est nécessaire d’accompagner, pourtant ce n’est pas toujous le cas. L’organisation n’est pas facile d’accès, avec des grandes vitrines avec beaucoup (trop ?) de spécimens qui perdent un peu les publics. Il faudrait mieux expliquer le choix de classification, même s’il se défend. C’est d’ailleurs les reproches majoritaires que les membres du panel ont fait. Des vitrines trop hautes ou trop basses, pas assez d’indications pour montrer qu’on peut ouvrir les tiroirs et transgresser certaines règles. Je n’ai pas eu ces difficultés, mais peut-être est-ce parce que je suis du milieu et donc plutôt sensibilisée…
Malgré tout, je vous conseille vraiment de découvrir ce « nouveau » Muséum dans lequel, je le sais, il est possible de s’y perdre en contemplations et réflexions… La prochaine exposition sera sur le thème de l’Afrique, avec, en vedette, le rhinocéros Kata Kata dont la naturalisation a fait l’objet d’un crow-founding.
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